Un terrible accident d’ascenseur à 2 ans vous écrase le pied, menacée d’infirmité, sur les conseils du médecin vous pratiquez la danse, à 8 ans et demi vous entrez à l’école de Danse de l’Opéra de Paris et devenez « petit rat » de l’Opéra. Ne pensez-vous pas que cette douloureuse épreuve était inscrite dans le Plan de Dieu vous faisant vivre une sorte de Passion suivi d’une Rédemption ?
« Absolument, c’est ce qui me fait dire que nos blessures peuvent devenir des irruptions de lumière, une sorte de stigmates pour la vie éternelle. Ceci dès l’instant qu’on les accepte et que l’on avance avec, ainsi les diminutions peuvent devenir des croissances inespérées et des découvertes sur des capacités qui nous sont données de façon insoupçonnée. »
À 22 ans vous êtes nommée Première Danseuse et devenez la partenaire des plus prestigieux danseurs (Bessy, Noureev…), dansant pour les plus grands chorégraphes (Maurice Béjard, Rolland Petit, …). « Etoile » une brillante carrière s’ouvre à vous, pourtant vous y renoncez et quittez l’Opéra pour le Carmel. Comment s’est faite votre mutation qui vous a fait passer de la « grâce » de la danse à celle de la « Grâce » divine, renonçant aux lumières de l’Opéra pour La Lumière ?
« Cette mutation s’est faite à travers une conversion subite. J'avais des difficultés à accepter les revers du milieu artistique et le fardeau commençait à me peser lourdement. Je suis tombée sur les paroles de Jésus dans St Mathieu, ce fut un véritable coup de foudre: « Venez à moi vous tous qui ployez sous le fardeau... mettez-vous à mon école car je suis doux et humble de cœur, mon fardeau est léger. »
À 28 ans vous entrez au Carmel de Limoges devenant « Sœur Mireille de l’Immaculée Conception et Transpercé ». Qu’est-ce qui vous a guidé vers l’ordre du Carmel ? En utilisant le terme transpercé vouliez-vous souligner que le cœur de la Sainte Vierge était étroitement uni à celui de son Fils, Sauveur ou que les souffrances qui atteignaient Jésus étaient réellement partagées par sa Mère ?
« Ste Thérèse d’Avila m’a séduite par sa droiture, son bon sens, sa Mystique si profonde et son réalisme adéquat et st Jean de La Croix par sa poésie lyrique. La spiritualité du Carmel s’inscrit dans le paradoxe de Jésus crucifié et ressuscité. Il y a des blessures dans le monde, des noirceurs qui atteignent l’âme humaine pour lesquelles seule la prière peut agir. C’est un mystère. Jésus aurait pu vivre jusqu’à la fin des temps sur terre pour nous sauver mais Il a donné sa vie en mourant à 33 ans. Cette interruption dans la fleur de l’âge indique qu une efficacité existe de façon subtile et cachée.
En choisissant le nom du cœur transpercé de Marie, cela signifie la transparence de Marie transpercée par les grands mystères de Jésus dès son incarnation, sa crucifixion et sa résurrection. Elle est transpercée à la mesure de ce que vie son fils éternel en traversant la mort et en la dépassant à la façon d’une flèche, d’une épée transperçant son âme tel que lui a prédit le prophète Siméon. »
Malade, vous êtes contrainte de quitter le Carmel/ Le retour dans le monde est une douleur spirituelle que vous comblez en témoignant de votre foi par la danse suivant l’exemple de sainte-Thérèse d’Avila pour qui danser est une prière qui exprime un état de joie. Avez-vous eu des témoignages de conversions après vos spectacles ?
« Oui beaucoup, mais par humilité je ne souhaite pas les citer car nous ne sommes que des instruments... »
Lorsque votre père vous conduit à l’Opéra pour la première fois vous passez devant Notre-Dame de Paris ignorant alors que bien des années plus tard, le 31 mai 1986 vous y recevriez votre consécration dans l’Ordo Virginum « Vierge consacrée » par le Cardinal Lustiger vous permettant de vivre dans le monde et de concilier votre foi et votre art. « Comparaison n’est pas raison » mais quel a été votre sentiment lors de ces 2 jours marquant de votre vie ?
« Le jour de ma consécration à Notre-Dame-de-Paris providentiellement le texte du jour lu par le cardinal Lustiger faisait référence à la danse: « Le Seigneur danse en toi avec des cris de joie. » Sophonie. Ces paroles ont retenti dans la cathédrale comme un accomplissement suite à ma brève carrière à l’opéra en tant qu’étoile filante, cela a donné sens à ce que représente la danse dans ma conscience personnelle. »
Vous avez créé vos propres chorégraphies, « vous dansiez votre vie » faisant ainsi vivre la beauté de la foi chrétienne, pourquoi dit-on que la danse de Mireille Nègre est intérieure et extérieure ?
« La danse telle que je la conçoit revêt une dimension universelle en écho avec les psaumes où les paroles bibliques regorgent de références à la danse : Les tiens dansent pour Toi autour de ton autel... etc, psaumes.»
Vous avez suggéré la danseuse Margritte Gouin pour animer le Bal des Lys et réalisé « La Ballerine du Bal des Lys » pour illustrer le carton d’invitation, vos créativités artistiques se prolongeant avec l’art pictural, célébrant et partageant ainsi les beautés artistiques et spirituelles. Partagez-vous l’affirmation de Dostoïevski faisant dire au prince Mychkine « La beauté sauvera le monde » ?
« Eh bien, la beauté sauvera le monde est une phrase qui m’interpelle car les conceptions philosophiques sur la beauté peuvent être ambivalentes. Jésus sauve le monde avec toutes ses qualités divines. La beauté ne peut se suffire à elle-même... la beauté est liée à la bonté et la vérité en Jésus. Le rayonnement de sa sainteté sauve le monde avec la beauté, la bonté et la vérité. »
Vous consacrez votre vie à faire le bien, à clamer votre foi en paroles et en actes, à être la pure ambassadrice, la servante du Seigneur toujours souriante. Traditionnellement, comme le rappelle Sophie de Villeneuve, auteur du livre « Le Diable préfère les saints », « le Malin s’attaque à tout être qui chemine sur la voie de la sainteté, à l’Homme juste, bon, noble dont parle le dominicain allemand Maître Eckhart (1260-1328) à tous les êtres qui s’orientent vers la lumière et l’amour de Dieu. Il s’est présenté à sainte Catherine de Sienne alors qu’elle était novice, cherchant à la persuader qu’elle serait mieux dans le monde, avec de jolies robes. A sainte Thérèse de Lisieux également, qui perd la foi au moment où elle s’apprête à entrer au Carmel. Le saint Curé d’Ars a eu affaire à lui toute sa vie l’appelant avec mépris le Grappin. » Auriez-vous aussi subi les agissements du Prince des Ténèbres ?
« Il se trouve que chaque fois que l’on tente de faire le bien autour de soi il y a un combat de la lumière contre les ténèbres j’ai pu constater cela dans le passé comme dans le présent, le Malin s’acharne à faire dévier les bonnes actions et à déraciner l espérance qui est en nous. La foi agit à contre courant où le Prince de ce monde cherche à régner de façon maléfique. »
Dans votre ouvrage « A ciel ouvert, Question ? Réponse ! » vous rappelez l’origine bénédictine du nom des notes de musique, le moine italien Guido d’Arezzo se servant de l’Hymne à Saint-Jean-Baptiste écrite au IXe siècle par le poète Paul Diacre pour les populariser. Jeune, vous avez hésité entre danseuse et concertiste. Pour la Gloire du Seigneur, vous avez donné des concerts de piano après avoir quitté l’Opéra de Paris pour « l’Opéra de Dieu ». Quelles ont été vos sources d’inspiration pour composer vos œuvres musicales ?
« La vie... tous les morceaux composés ont été inspirés par des événements gais ou tristes, nostalgiques ou joyeux... »
On doit donc à la Chrétienté la musique mais aussi le champagne œuvre de dom Pérignon et de dom Ruinart, la musique et ce vin de fête ne sont-ils pas aussi des moyens d’expression de la beauté et de la bonté divine ?
« Oui les bulles de champagne explosent au cours des joies festives... c’est un cadeau du ciel que sont les notes de musique, Le roucoulement des tourterelles, le chant des baleines... »
Votre dernier roman « Les 2 Véronique », sorti fin juin en librairie, n’évoque-t-il pas au travers de Pablo, danseur étoile, votre propre vie ?
« Mes derniers ouvrages ne se trouvent que sur commandes auprès de mon mail. Les 6 derniers romans sont une fiction, une transposition du vécu d’un temps écoulé. J’ai senti comme une injonction de faire revivre des événements qui peuvent rejoindre tout un chacun de nos parcours de vie. »