En 1643, le Grand Siècle porte sur le trône de France un enfant de 4 ans et demi. En 1654, après la Régence d’Anne d’Autriche, sa mère, Louis XIV est sacré à Reims. Pour que le « Lieutenant du Dieu sur Terre » (1) puisse régner en roi très chrétien le Seigneur a mis sur sa route Bossuet, un éminent dignitaire de l’autel depuis le 16 mars 1652, jour où il a reçu le sacrement de l’Ordre, la lumière divine.
Pour Bossuet le roi est « l’image de Dieu », le professeur Jean-Louis Harouel précise “la « puissance sacrée » des rois était un pouvoir miraculeux directement institué par Dieu.” En 1662 il est appelé à prêcher le Carême à la cour. La troisième semaine, le disciple de saint Vincent de Paul prononce devant le roi le « sermon sur la Charité fraternelle » :
« …/…Entendez distinctement tout ce que vous faites, et connaissez tous les ressorts de la grande machine que vous conduisez : Ut intelligas universa quae facis (Pour que vous comprenez tout ce que vous faites), Salomon suivant ce conseil, à l’âge environ de 22 ans (Louis XIV avait 23 ans), fit voir à la Judée un roi consommé (2) ; et la France, qui sera bientôt un Etat heureux par les soins de son monarque, jouit maintenant d’un pareil spectacle.
Ô Dieu, bénissez ce roi que vous nous avez donné ! Que vous demanderons-nous pour ce grand monarque ? Quoi ? Toutes les prospérités ? Oui, Seigneur ; mais bien plus encore, toutes les vertus, et royales et chrétiennes. Non, nous ne pouvons consentir qu’aucune lui manque, aucune, aucune. Elles sont toutes nécessaires, quoi que le monde puisse dire, parce que vous les avez toutes commandées. Nous le voulons voir tout parfait, nous le voulons admirer en tout : c’est sa gloire, c’est sa grandeur qu’il soit obligé d’être notre exemple ; et nous estimerions un malheur public, si jamais il nous paraissait quelque ombre dans une vie qui doit être toute lumineuse. Oui, Sire, la piété, la justice, l’innocence de Votre Majesté, font la meilleure partie de la félicité publique. Conservez-nous ce bonheur, seul capable de nous consoler parmi tous les fléaux que Dieu nous envoie, et vivez en roi chrétien. Il y a un Dieu dans le Ciel, qui venge les péchés des rois. C’est lui qui veut que je parle ainsi ; et ; si Votre Majesté l’écoute, il lui dira dans le cœur ce que les hommes ne peuvent pas dire. Marchez, ô grand roi, constamment sans vous détourner, par toutes les voies qu’il vous inspire ; et n’arrêtez pas le cours de vos grandes destinées, qui n’auront jamais rien de grand, si elles ne se terminent à l’éternité bienheureuse. » Si Bossuet ne craint pas d’admonester le Roi et de faire état de sa vie privée, qui était en fait publique, car comme il le dira « Pour prêcher la vérité, il faut un cœur de roi, une grandeur d’âme royale…si cette noble fonction ne demande pas qu’on soit roi par l’autorité du commandement, du moins exige-t-elle qu’on soit roi par indépendance (3) » le futur « Aigle de Meaux » redoute la justice divine. Bossuet pense que les actes immoraux du roi pourraient mettre en colère le Très-Haut qui la ferait retomber sur son peuple.
Constance Cagnat-Deboeuf, maître de conférences, souligne « Le Carême du Louvre » fut la première occasion pour Bossuet de réfléchir sur « la manière d’instruire les rois. » Il lui fallait trouver un langage qui, sans « aigrir » l’esprit du monarque, lui enseignât ses devoirs.
Nicolas Chotard,
Président des Lys de France
(1) : Lieutenant signifie qu’il « tenait en ce lieu » la puissance divine
(2) : qui a atteint un haut degré de perfection
(3) : qui n’est pas soumis à un autre, qui est libre de toute autorité souveraine |