On croit souvent que sous la monarchie traditionnelle le roi était tout puissant sans autorité indépendante pour contrôler son action. C’est oublier la prédominance de la foi, le roi très chrétien sacré à Reims croyait dans le jugement dernier, au Ciel et à l'Enfer, devant gagner son salut par ses œuvres chrétiennes. Cinq ans avant son rappel à Dieu, Louis XIV inaugurait son dernier chef-d'oeuvre spirituel : la chapelle royale, exceptionnelle chapelle palatine dont il veilla personnellement à son édification.
À la Chapelle on célébrait la liturgie de Rome et non celle du diocèse de Paris. La beauté liturgique convertissait Mademoiselle de Mursay, pourtant issue d'une famille farouchement protestante : "Je pleurai d'abord beaucoup, mais je trouvai le lendemain la messe du Roi si belle, que je consentis à me faire catholique." Le souverain se rendait quotidiennement à la messe mais la communion du roi n'avait lieu que 5 fois par an aux « bons jours » : vigile de Noël, Samedi saint, vigile de Pentecôte, vigile de Toussaint et Assomption ou Immaculée Conception. Lors de ces « bons jours », le roi pratiquait le toucher des écrouelles. En état de grâce, après avoir reçu la communion, le souverain, revêtu du collier de l’ordre du Saint-Esprit, prononçait alors la célèbre phrase « le roi te touche, Dieu te guérit. » Grand maître des ordres dynastiques, Louis XIV organisait la première réception de nouveaux commandeurs ou chevaliers au sein de l’ordre du Saint-Esprit le jour de la Pentecôte 1686.
Quelques jours avant la Pentecôte, Bossuet, précepteur du Dauphin, adressait au roi une lettre pour lui rappeler ses devoirs de « bon chrétien. » :
Sire,
Le jour de la Pentecôte approche, où Votre Majesté à résolu de communier…/… Songez, Sire, que vous ne pouvez être véritablement converti, si vous ne travaillez à ôter de votre cœur, non-seulement le péché, mais la cause qui vous y porte. La conversion véritable ne se contente pas seulement d'abattre les fruits de mort, comme parle l'Ecriture c'est-à-dire les péchés ; mais elle va jusqu'à la racine, qui les ferait repousser infailliblement si elle n'était arrachée. Ce n'est pas l'ouvrage d'un jour, je le confesse : mais plus cet ouvrage est long et difficile, plus il y faut travailler. Votre Majesté ne croirait pas s'être assurée d'une place rebelle, tant que l'auteur des mouvements y demeurerait en crédit. Ainsi jamais votre cœur ne sera paisiblement à Dieu, tant que cet amour violent, qui vous a si longtemps séparé de lui, y régnera…/…Qu'il est malaisé de se, retirer d'un si malheureux et si funeste engagement ! Mais cependant, Sire, il le faut, ou il n'y a point de salut à espérer. Jésus-Christ, que vous recevrez, vous en donnera la force, comme il vous en a déjà donné le désir.
Je ne demande pas, Sire, que vous éteigniez en un instant une flamme si violente ; ce serait vous demander l'impossible : mais, Sire, tâchez peu à peu de la diminuer ; craignez de l'entretenir. Tournez votre cœur à Dieu ; pensez souvent à l'obligation que vous avez de l'aimer de toutes vos forces, et au malheureux état d'un cœur qui, en s'attachant à la créature, par là se rend incapable de se donner tout à fait à Dieu, à qui il se doit…/…
Méditez, Sire, cette parole du Fils de Dieu : elle semble être prononcée pour les grands rois et pour les conquérants : « Que sert à l'homme, dit-il, de gagner tout le monde, si cependant il perd son âme, et quel gain pourra le récompenser d'une perte si considérable ? » Que vous servirait, Sire, d'être redouté et victorieux au dehors, si vous êtes au dedans vaincu et captif ? Priez donc Dieu qu'il vous affranchisse ; je l'en prie sans cesse de tout mon cœur. Mes inquiétudes pour votre salut redoublent de jour en jour, parce que je vois tous les jours de plus en plus quels sont vos périls…/… Sire, bénira en tout Votre Majesté, si elle lui est fidèle.
Je suis, avec un respect et une soumission profonde,
Sire,
de Votre Majesté,
Le très-humble, très-obéissant, et très-fidèle sujet et serviteur,
J. BÉNIGNE, ancien évêque de Condom.
Bonne fête de la Pentecôte,
Nicolas Chotard, Président des Lys de France. |