Charles et Zita en exil en Suisse n’ont pas renoncé à reconquérir leur royaume hongrois. En France, depuis le 16 janvier 1921, Aristide Briand, partisan de la Restauration, est redevenu chef du gouvernement. Charles s’empresse alors de le consulter et reçoit en réponse informelle le soutien diplomatique de la France avec toutefois cette précision que “si la tentative échoue, il est évident que nous ne pourrons rien faire.” À Pâques, Charles se rend à Budapest et rencontre Horthy, proclamé régent d’un « royaume sans roi » mais c’est un échec. En octobre, soutenu par le pape Benoît XV, Charles et Zita entreprennent une reconquête par une “Marche sur Budapest” en train. Lors des arrêts en gare, les autorités locales et la foule les accueillent chaleureusement, les garnisons se rallient à la cause royale. Face à cette situation quasi insurrectionnelle le gouvernement réagit rendant inévitable des affrontements armés entre gouvernementaux et Légitimistes.
Pour gagner la ligne de feu, Zita, telle Jeanne d’Arc chevauchant en tête de son armée, prend place dans la cabine du conducteur, son panache n’a d’égal que son courage. Mais en arrivant au lieu de combat, les gouvernementaux demandent un cessez-le-feu, une ruse, au petit matin, ils les attaquent par surprise. Un obus tombe près du wagon de l’impératrice, Charles prend peur pour la vie de son épouse bien aimée et ne veut pas faire couler le sang hongrois. C’est la reddition, prisonniers dans un monastère, gardés par des officiers de l’Entente, Charles s’interroge devant le français : “La reine est française, je ne puis comprendre pourquoi la France m’abandonne.” Livrés aux Britanniques, ils sont conduits sur un bateau, descendent le beau Danube bleu et prennent le large à destination de leur “Sainte Hélène”, l’île de Madère. Cinq mois plus tard, l’empereur alité prononce d’une voix à peine audible : “Jésus, Marie, Joseph” et rend son âme à Dieu.
Dans l’indifférence générale et dans le plus profond dénuement, Zita, qui aux funérailles de son époux attend son huitième enfant, veillera à leurs bonne éducation et instruction. Dans ses mémoires, Otto, son fils ainé en témoigne : “Ce ne sont pas des souvenirs de jeux dans des palais ni de fêtes brillantes pour jeunes oisifs ou de voyages somptueux que j’ai recueillis, mais ma mère et ma grand-mère m’ont parlé surtout de travail, encore de travail et toujours de travail. Les études étaient très strictes et en plus, les enfants de la famille princière devaient coudre, raccommoder et rapiécer leur propre linge, leurs chaussettes, mais aussi ceux de personnes âgées ou de malades du village. Dans la famille, les frères et soeurs de ma mère parrainaient des enfants pauvres du village qu’ils allaient soigner avec des médicaments et habiller avec des vêtements qu’ils confectionnaient eux-mêmes. Ils se rendaient chez eux tout seuls avec une voiture à cheval ou simplement un cheval pour porter leurs affaires. Ma mère et ma soeur Franziska avaient tracé une frontière, chacune ayant son secteur. Au retour de leur tournée, épuisées par le service des autres, elles devaient ensuite se nettoyer à fond, changer de vêtements et désinfecter leurs cheveux avec de l’alcool. Il y avait beaucoup de tuberculose à l’époque et pas de sécurité sociale. Ma grand-mère avait coutume de leur dire : “La charité est le meilleur remède contre les risques de contagion.”
Ayant une haute idée de ses devoirs, Otto est un farouche adversaire d’Hitler. Avant l’Anschluss, il propose au chancelier autrichien non pas de restaurer la monarchie mais de lui céder son poste afin d’être un rempart à la pression allemande. À l’issue de la guerre, Zita et son fils usent de leur influence auprès de Roosevelt et Churchill pour que l’Autriche ne devienne pas, comme les autres pays d’Europe centrale, une “Démocratie populaire”. Le 14 mars 1989 à Vienne, les obsèques de Zita unissent les représentants diplomatiques de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie. Cinq mois plus tard, la famille impériale sera à l’origine du chant du cygne des régimes totalitaires de l’Est. Otto raconte : “Nous avions décidé d’organiser un pique-nique international non loin du rideau de fer en territoire hongrois sous une double présidence : côté hongrois, le ministre d’Etat Pozsgai, côté de la Paneurope, moi-même. Ne voulant pas que notre présence attire d’emblée les foudres des communistes, nous déléguâmes, lui le secrétaire d’Etat Vass, moi ma fille Walburga. Ce sont eux qui ouvrirent la frontière et eurent la joie de vivre cette heure de liberté qui fit dire à l’infâme Honecker que ce fut là le coup mortel porté à son régime.”
Nicolas Chotard,
Président des Lys de France.